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Chapitre 4 | Retour dominical
Une fois le coupé garé dans la cour de la ferme, j’entraîne Toni dans les sanitaires des journaliers pour une indispensable toilette. Il sort de la douche quand une silhouette massive s’encadre dans la porte et nous tombons aussitôt dans les bras l’un de l’autre avec de grandes brassées : c’est Julien. Sa grosse voix ajoute :
- « j’ai entendu ta voiture se garer et je m’étonnais de ne pas te voir entrer, mon grand. Alors, je suis venu aux nouvelles. »
Je m’écarte et dévoile ainsi Toni, qui cache sa nudité dans sa serviette, cheveux hérissés et rouge de confusion. Julien fait un pas vers lui
- « ah ! voilà pourquoi j’ai entendu gémir dans la grange tout à l’heure ! » Il éclate de rire : « j’ai vu la voiture et je voulais te rejoindre mais, tssss, j’ai eu un réflexe de prudence, j’ai avancé discrètement et … certains bruits m’ont vite fait comprendre qu’il valait mieux ne pas vous déranger »
Il a la mine réjouie, envisage Toni des pieds à la tête et l’examen a l’air favorable, puisqu’il lui ébouriffe les cheveux d’une main affectueuse, entoure nos épaules de ses deux bras avant de se tourner vers moi.
- « tu ne peux pas savoir ce que ça m’a fait plaisir d’entendre ça, Adrien. J’ai tant de bons souvenirs dans cette grangette… » Il rit à nouveau « Bon, je suppose que vous avez un petit creux maintenant ! je vous laisse terminer, je file préparer et je vous attends » Puis il s’arrête : « à moins que vous ne veniez monter à cheval » mais devant la mine ahurie de Toni, il bat en retraite et nous laisse seuls.
Devant les grands yeux de Toni, je consens à lui expliquer :
- « Quand ma mère me disait « va voir ton père », c’est souvent Julien qui entrait en piste. C’est Julien qui m’a mis en selle, à vélo comme à poney, qui m’a appris à nager ou à grimper aux arbres. Mon père nous regardait faire et disait : « je suis fier de vous les gars ! » Julien m’était essentiel, il était mon recours, mais je ne parvenais pas à identifier sa place ici et, enfant, j’avais peur pour lui, et surtout peur de le perdre. Puis un jour, j’ai compris pour mon père et lui et, incroyablement, Julien ayant trouvé une place, j’ai été rassuré et j’ai aussi pu faire face aux autres et à leur méchanceté. Maintenant, c’est lui qui gère la ferme depuis la disparition soudaine de mon père. »
J’emmène Toni à l’extérieur où des silhouettes massives soufflent bruyamment l’air par les naseaux :
- « La passion qui a réuni mon père et Julien, ce sont ces chevaux de trait. Depuis mes plus lointains souvenirs, je baigne dans l’odeur des chevaux » Je me penche à son oreille « et donc, du crottin ! » Je respire à pleins poumons « Tu vois, c’est la vie » Je le scrute « et nous sommes aussi cavaliers. Pour moi, il n’est d’homme qu’à cheval ! »
Julien nous attend devant la table de cuisine chargée de ces nourritures rustiques et charcutières qui font mon bonheur accompagnées d’un verre de bon vin. La conversation va bon train et Toni, détendu, y prend activement part avec beaucoup d’à-propos et d’humour et je vois Julien attentif. A l’heure de repartir, Julien m’entoure de ses bras pour une grande accolade, c’est la façon bourrue que nous avons trouvée, à la fois virile et tactile de nous dire notre affection. Il me glisse :
- « Dis-moi, ce garçon, non seulement il a de belles épaules et de jolies fesses mais il a aussi la tête bien faite » et, sans attendre de réponse, il nous souhaite bonne route.
Durand le trajet, je réfléchis : je réalise combien j’ai passé une bonne journée en compagnie de Toni mais je me sens désormais un peu embarrassé par le souvenir de notre rencontre et des modalités de nos premiers ébats. Si j’ai eu plaisir, aujourd’hui, à ces moments partagés, je voudrais qu’ils soient désormais librement consentis pour repartir sur des bases plus claires. Tout à cette réflexion, j’arrête la voiture dans ma rue, avant de l’engager dans la rampe de la résidence :
- « Toni, je te rends ta liberté. Je te délivre de toute obligation envers moi et maintenant, je propose que seule ton envie guide tes choix : derrière nous, tu trouveras un arrêt de tram pour rentrer chez toi si c’est ce que tu souhaites, alors que devant nous se trouve mon immeuble et je t’ouvrirai ma porte, appartement 37. » Et j’ajoute en me tournant vers lui : « je te l’ouvrirai bien volontiers, Toni »
- « Putain, tu me largues avec mes sacs sur un trottoir comme un machin à usage unique qu’on jette après en avoir bien profité. Tu pourrais au moins me déposer chez moi, sans m’imposer de prendre le tram alors que tu ignores s’il circule encore à cette heure. »
Amical72
amical072@gmail.com
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