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5 | Évacuer sa rancune – Le récit deThomas
Julien me charge comme un sac sur son épaule alors que je suis assommé par la jouissance, à demi inconscient et il me porte jusqu'à ma chambre. D'une flexion, il me fait rouler sur le matelas et, aussitôt, entreprend d'achever de me déshabiller. Il m'extrait de mon jean dans un froissement de tissu puis des deux mains, il s'empare de mon pied nu comme d'une offrande, le caresse de la pulpe d'un doigt léger comme une plume, rebrousse mes poils, l'embrasse, le lèche, le mordille et c'est un festival de petits frissons lointains, là-bas, au bout de ma jambe, ils sont presqu'éteints quand ils parviennent à ma conscience. Je secoue mon pied par réflexe pour me soustraire à ses caresses, mais sans conviction tant ces petites stimulations me sont plaisantes.
Puis il le repose sur le lit et je me roule en boule, pour demeurer dans cette douce somnolence. Il s'allonge en cuiller autour de moi, il est encore habillé, sauf ... sauf cette tige chaude et tendue qui barre ma fesse comme une alerte. Je me pelotonne plus étroitement encore contre lui et il m'entoure de ses grands bras.
Philippe.
Aussitôt, mes pensées volent vers lui, vers ce sentiment de confort et de sécurité qui a bercé mon sommeil chaque fois que nous avons dormi ensemble, cette confiance révélée entre nous, que j'ai peut-être trahie tout à l'heure mais vers laquelle, à cet instant, je suis fermement décidé à revenir. À genoux s'il le faut.
Mais plus tard ! Je veux d'abord épuiser les vertiges que ne manquera pas de me procurer ce grand méchant loup qui m'enveloppe de ses bras protecteurs et de sa chaleur.
Je souris intérieurement. Je n'ai plus peur. J'ai bien compris qu'il n'est pas le sanglier rustique et mal léché qu'il affecte d'être, tout au plus est-ce une façade pour se mettre à distance des bruits, des sollicitations, des agitations, des extravagances des plus jeunes ... qui pourtant le lorgnent du coin de l'oeil, ce costaud qui embrasse, et plus ! comme personne, avec sa large bouche qui s'ouvre en beau sourire sur ses grandes dents solides, prêtes à broyer, avec ses grandes mains effrayantes, des pinces quand elles empognent fermement.
Je m'en suis alarmé jusqu'à m'engloutir moi-même dans la terreur et j'ai failli m'y perdre.
Tout seul.
Et maintenant ?
J'ai compris que ses dents ne mâchonnent qu'avec mesure, que ses grandes paluches savent aussi cajoler et conduire au plaisir.
Couché sur le flanc gauche, je recule doucement mon bras droit, le coude franchit ma crête iliaque, l'avant-bras bascule en arrière, glisse sur ma fesse, mes doigts tâtonnent, légers ... et trouvent. Je n'ai pas peur de lui. La pulpe de mes doigts balaie la peau douce et soyeuse sur toute la longueur de ce bel organe tiède, jusqu'au gland suintant qu'ils lustrent, ils tentent de s'immiscer entre nous pour s'en saisir. Julien glousse.
Je me retourne d'un bloc, toujours enroulé sur moi-même et ma main s'empare enfin fermement sa queue comme on empoigne le manche d'un marteau pour frapper. Puis j'affermis encore ma prise et je relève les yeux dans les siens ; ils se troublent. Je l'ai vu.
Je le veux !
Et j'ai bien perçu que je l'aurai, car il n'attend que ça, lui que j'ai égoïstement laissé sur sa faim quand la jouissance m'a submergé, emporté, banni, exilé sur d'autres rivages. Ma main s'est desserrée et coulisse imperceptiblement sur son pieu qui chauffe à blanc, effleurant la fine peau soyeuse, étalant ses humeurs visqueuses sur son gland satiné pour le lustrer et je le sens monter, prêt d'exploser mais tentant farouchement de se contrôler ... il me semble alors que les rôles se sont inversés et que, de gibier, je sois devenu ... meneur de jeu ?
J'ai bondi sur mes deux pieds et je le toise, lui allongé, encore tout habillé, aux yeux de cocker, moi debout, dressé, nu et la queue arrogante.
Je m'accroupis pour dénouer les lacets de ses chaussures, les retirer, suivies par ses chaussettes. Je m'attarde à caresser ses pieds secs et nerveux, de toute ma paume à plat, à les retourner, dessous, dessus, dans une observation quasi clinique, un calcul, une anticipation dont je sens bien qu'elle l'interroge quand, moi, elle restaure la maîtrise que j'ai de ma propre vie.
Je plonge sur lui, les deux mains en avant pour saisir, de chaque côté de ses hanches, son pantalon débraguetté et son slip. Il remonte sur ses coudes, soulève son bassin et j'abaisse le tout jusqu'à mi-cuisse. Je me redresse prestement pour revenir à ses chevilles, extraire ses jambes l'une après l'autre du pantalon, m'incliner à nouveau pour attraper son slip, le faire glisser, retenir une de ses jambes relevée pour la poser à mon épaule, embrasser son mollet, plonger ostensiblement mon nez dans son sous-vêtement froissé qui sent surtout la lessive en cherchant ses yeux, mes ongles égratignant machinalement la peau de l'intérieur de sa cuisse à rebours de ses poils.
D'un coup, rompre ! Poser un genou sur le matelas pour, à deux mains, enrouler une épaule pour retirer une manche puis l'autre, arracher sa parka coincée sous lui, l'envoyer valdinguer dans une cascade de clés ou de monnaie qui le fait bondir. Mais ma main à plat sur son buste le retient puis, des deux, j'empoigne son pull et son tee-shirt pour les lui ôter d'un coup, relevant ses bras par dessus sa tête. Il s'empêtre quelques instants avant de se dégager et l'odeur musquée qu'exhalent ses aisselles béantes envahit mes narines comme un puissant euphorisant.
Putain, ce mec me ...
Ma main a écrasé la fourrure de son torse pour sceller son dos dans le matelas tandis que, le bras tendu vers le chevet dans la posture du chien en arrêt, je farfouille pour attraper flacon et capote. Mon butin dans la main, je me retourne sans lui concéder un regard alors que ma main libre s'empare de son paquet, pressant ses couilles, redressant son mat à la verticale.
C'est bien un mat, très droit quand celle de Philippe est un peu cambrée et plus effilée. Son gland, épaté et ourlé, semble me faire un clin d'oeil avec son méat ouvert où perle une goutte translucide que je regarde enfler. Je cède et l'engloutis, ma langue enveloppant l'appétissant champignon charnu pour en aspirer les sucs dont je me délecte. Je l'ai senti se casser en deux dans une suffocation sonore mais je poursuis, indifférent à sa main qui s'aventure prudemment dans mon dos, recrachant la saucisse charnue dont je cerne étroitement le moindre relief de mes lèvres et que ma langue presse contre mon palais. Jusqu'à ne garder que son gland en bouche, cette belle fraise replète et visqueuse que je m'emploie d'abord à dessécher, puis, interprêtant les râles exténués de Julien comme les prémices d'une capitulation prochaine, je l'inonde abondament de salive et, aussitôt, je le capote prestement.
Un jet de lubrifiant plus tard, je me retourne, l'enfourche, encadrant sa taille à deux genoux et, tandis que de mes mains dans mon dos je m'emploie à huiler copieusement son piston et mon trou du cul impatient, je le toise de toute ma hauteur, ce grand costaud poilu qui a relevé ses bras, croisant ses mains sous sa nuque et qui me sourit, l'air un peu niais. Alors, lorsque j'incline mon buste vers l'avant pour placer son braquemart en position de visée, le coiffer de ma rondelle dans un frémissement du cul puis l'étayer pour garantir sa rectitude lors du tir, je profite de notre proximité pour lui répéter distinctement ce qu'il souhaitait entendre il y a peu.
- "Je veux toujours que tu m'encules."
Puis, en respirant profondément, je me laisse lentement coulisser vers l'arrière, le long de cet axe doux et rigide qui m'envahit lentement, qui me remplit et me comble. Car c'est bien ce que je voulais et je n'aurai de cesse d'obtenir satisfaction, de dévorer cette bonne bite chaude.
Julien, sourcils froncés et bouche entrouverte, l'oeil assombri par la concentration et l'attention, a serré ses abdominaux et ses fesses, soulevant ses épaules, ses mains encadrant mes cuisses. Il a ouvert les siennes à plat pour magnifier sa queue impériale plantée en étendard victorieux sur l'éminence de son pubis culminant, sa queue sur laquelle je m'empale hardiment en scandant ma respiration.
Je le veux, je le veux tout entier en moi.
Je veux n'avoir aucun regret, aller au bout de cette entreprise qui me noue le ventre, rassasier mes appétits avant d'aller retrouver Philippe ; l'avenir me dira si c'était une folie.
Quand sa touffe hirsute vient chatouiller mes fesses, je les écarte à deux mains en me cambrant et je m'efforce d'avaler quelques millimètres supplémentaires dans un frétillement de la croupe. Cet instant est un aboutissement, où je vois ma quête exaucée, où je me sens saturé par ce gourdin qui m'arme, ... dans l'attente de la suite, tellement espérée et désormais imminente.
A peine mon conduit se détend-il et mes cuisses amorcent-elles un mouvement de ressort que, dans un rictus, il commence à aller venir en moi comme une mécanique. Ses deux mains pèsent sur ma taille dans un désir de me pénétrer totalement tandis qu'il contracte ses fessiers pour se hausser, dans un vigoureux élan pour tenter de se ficher plus profondément en moi. Ses coups de boutoir me remplissent et me suffoquent merveilleusement, bien que la sorte de rage qu'il y met ne me soit sans doute pas destinée.
Rapidement, à d'infime détails, au rythme de son souffle qui trébuche et repart, à de légères crispations dans son mouvement, je devine qu'il tente de résister mais qu'il ne pourra bientôt s'empêcher de s'emballer et il ne me déplaît pas de le voir près de vaciller à son tour, ce démon à l'éblouissant coup de rein qui m'ébranle somptueusement mais pour qui j'ai failli me perdre.
Alors, je cède au bonheur de son ramonage puissant, je profite, simplement ; je me laisse secouer, étourdir, jouant l'innocent aveuglé mais bénéficiant de sa colère rentrée, me gardant bien d'intervenir et, quand il jouit dans un rugissement, quand ses doigts se plantent cruellement dans mes hanches, je m'amuse de ses derniers soubresauts accompagnés de souffles en quintes expectorantes, de son ultime soupir exténué puis je roule sur le flanc à son côté. Oui!
- "Ça y est? As-tu bien évacué ta rancune après le lapin de Cédric?"
Mais, loin de se montrer piqué, il me prend dans ses bras, me serre contre lui, nous fait rouler l'un sur l'autre, me couvrant de petits bisous tendres en roucoulant, soudain joyeux, joueur.
Mon désir inabouti me revient alors comme un paquet de mer glacé en pleine face et me noue le ventre : assurément, maintenant qu'il a joui, lui, il va m'abandonner ainsi !
« Certes, délicieuse est la brume, au soleil levant sur les plaines / et délicieux le soleil ; / délicieuse à nos pieds nus la terre humide / et le sable mouillé par la mer ; / délicieuse à nous baigner fut l’eau des sources ; / à baiser les inconnues lèvres que mes lèvres touchèrent dans l’ombre … / Mais des fruits – des fruits – Nathanaël, que dirai-je ? / Oh ! Que tu ne les aies pas connus, / Nathanaël, c’est bien là ce qui me désespère. » André Gide - Les Nourritures terrestres - éditions du Mercure de France 1897.
Amical72
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